Dr DA MONNERET-VAUTRIN Service de Médecine Interne, Immunologie Clinique et Allergologie
Hôpital Universitaire de Nancy (Journée de Cochin Novembre 2007)
La prévalence générale est de 3,2% dans la population française. Elle atteint 8% en population pédiatrique, où les allergies alimentaires sont la maladie atopique la plus précoce, précédant l'allergie respiratoire. Elles sont dominées par le syndrome des allergies alimentaires multiples chez le jeune enfant, et par la fréquence grandissante des formes graves: anaphylaxie, surtout chez l'adulte.
Ce qu'il faut comprendre: les tableaux cliniques ne sont pas les mêmes chez l'enfant et chez l'adulte. Tous les organes peuvent être concernés. De même les aliments en cause sont différents selon les catégories d'âge: lait, œuf, arachide sont les trois principaux allergènes de l'enfant. Les fruits et les légumes sont les allergènes les plus fréquents chez l'adulte. Les allergies aux fruits à coque (à tous les âges), au lait de brebis et de chèvre (chez l'enfant), à la farine de blé et aux mollusques (chez l'adulte) doivent être connues.
Le dépistage de l'allergie alimentaire repose sur une orientation en fonction du tableau clinique, et est assuré presque entièrement par l'interrogatoire consécutif.
Pour le généraliste, le premier élément d'orientation vers l'allergie alimentaire est le tableau clinique: chez le nourrisson, ce sont principalement des troubles digestifs (pleurs et coliques du nourrisson, reflux gastro-oesophagien, diarrhée, ou constipation opiniâtre) ou bien une dermatite atopique s'installant très classiquement au troisième mois. Les tableaux se diversifient chez le grand enfant: urticaire aigu, angioedème labial ou du visage, parfois choc anaphylactique. L'angioedème laryngé devient plus fréquent chez l'adolescent. L'adulte se caractérise par la fréquence du syndrome oral, bénin, mais aussi la fréquence d'anaphylaxie sévère, parfois une dermatite atopique généralisée.
Chez l'enfant, le second élément d'orientation est l'existence d'une atopie familiale, chez les parents ou dans la fratrie: rhinite ou asthme allergique, dermatite atopique, allergie alimentaire.
A tous les âges, l'association de symptômes au niveau de deux ou plus de deux organes cibles, comme un rythme post-prandial des manifestations, sont évocateurs.
Des particularités de l'alimentation attirent l'attention: dégoûts alimentaires de l'enfant, abus de certains consommations (chez l'adulte) L'exposition fréquente à certains allergènes par voie cutanée (crèmes médicamenteuses et de parapharmacie chez le nourrisson, mais aussi cosmétiques chez l'adulte), l'exposition respiratoire (professionnelle) peuvent engendrer une sensibilisation comme provoquer des réactions allergiques chez les sujets allergiques alimentaires. Trois singularités orientent vers un allergène alimentaire: l'existence d'une allergie pollinique oriente vers une allergie aux fruits et légumes, l'allergie au latex oriente vers une allergie à la banane, avocat, châtaigne, sarrasin, des manifestations d'urticaire ou de choc anaphylactique induis par l'effort orientent vers une allergie à une protéine particulière du gluten de la farine de blé.
A la suite de l'interrogatoire, la place de la biologie devrait être restreinte. Chez le nourrisson, en l'absence d'antécédents atopiques chez les parents, un dosage d'IgE totales est utile et son élévation indique une atopie de cet enfant. L'utilisation de tests de dépistage d'IgE spécifiques, associant plusieurs aliments (lait, œuf, poisson, farine de blé, arachide, soja) n'est intéressante que chez le jeune enfant de moins de trois ans. La demande d'IgE spécifiques à un aliment est déconseillée (document disponible sur le site de la HAS, réalisé par un groupe de travail « Indications du dosage d'IgE spécifiques pour le diagnostic et le suivi des maladies allergiques»).
Une éviction d'épreuve thérapeutique est recevable dans le cas du nourrisson avant la diversification alimentaire (premier âge), car une allergie aux protéines du lait de vache est plausible, à condition que les symptômes soit modérés. Elle consiste en un arrêt des formules infantiles et à leur remplacement par un hydrolysat extensif de caséine (Prégestimil) ou à un hydrolysat de protéines de porc et soja (Prégomine). Les hydrolysats partiels (laits dits hypoallergiques) ne doivent pas être prescrits dans ce cas de suspicion d'APLV. Dans tous les autres cas, l'orientation vers une allergie alimentaire motive le recours à une consultation et à un bilan allergologiques.